P 354 -355 "Mœurs et Coutumes de la Savoie du Nord " Enquêtes de Monseigneur Rendu
Enquête faite par le curé Pachond (Morzine 1790-1858)
Curé d'ARBUSIGNY 1818-???
Arbusigny, 10 mai 1845
"Monseigneur,
(...) Je vais maintenant avoir l'honneur de répondre au second Art. de la même circulaire sur les usages bons, mauvais, indifférents, etc.
Les habitants d'Arbusigny, peu susceptibles de hautes connaissances se laissent conduire en général par la routine même en matière de religion, il n'est pas très facile de spiritualiser leurs actions même les plus saintes ; la tâche de les instruire est pénible et délicate : ils discernent difficilement et on ne parvient à les instruire qu'en leur parlant avec la plus grande simplicité, et en revenant souvent à des répétitions assez fatigantes pour le pasteur. Ils ont cela de commun avec tous les autres peuples des Bornes, si l'on excepte ceux de Villy, de Vovray, de Cruseilles et de Groisy, qui sont plus intelligents surtout ceux de Villy.
Je ne parlerai pas des usages que je trouvai à Arbusigny lorsque je vins y exercer le ministère ; il y en avait assez que j'ai eu beaucoup de peine à détruire. Actuellement les mœurs de mes paroissiens présentent si peu de particularité, que Monseigneur pourrait deviner presque tout ce que j'ai ajouter;
Ici le service religieux se fait selon les règlements du Diocèse. Les offrandes des nouveaux mariés, des femmes qui viennent à la messe après leur couches sont de 5 à 10 centimes.
Le jour de la nativité de Saint Jean-Baptiste, patron de cette paroisse, plusieurs mères conduisent leur petit enfant à une chapelle dédiée au Saint Précurseur et font la même offrande. Quelques étrangers, atteints d' épilepsie, y viennent aussi de mander leur guérison et quelque fois ils l'obtiennent.
Nous faisons chaque année la bénédiction des moissons et nous recevons des œufs, des tomes et du beurre.
Nos gens vont en dévotions à Rumilly près la Roche, mais en petit nombre, ainsi qu'à Talloires et en très grand nombre à la Visitation d' Annecy pendant les octaves.
Les noces sont simples, sans bruit et toujours sans violon.
Le jour du patron était une fête scandaleuse ; pour la faire cesser les abominations qui s'y commettaient, j'ai pris leu parti de dire la messe solennelle à 5 h du matin et d'envoyer ensuite mes autres paroissiens au travail., j'ai réussi. Les désordres se sont ensuite portés dans une autre paroisse qui a le même patron et où l'on fait la fête comme si elle n'eût pas été supprimée. Nous n'avons presque jamais de danses.
Les préjugés sont relégués dans un petit nombre de têtes et les superstitions y sont entretenues par les bergers suisses qui passent l'été sur le Mont Salève et par plusieurs jongleurs de la Muraz, qui par des signes et des paroles et des grimaces prétendent guérir toutes sortes de maux. À mon arrivée dans cette paroisse, je protestais contre la coutume d'aller faire la levée des corps des défunts dans les maisons , parce que je ne trouvai dans les procès-verbaux des visites pastorales, depuis Saint François de Sales , aucune approbation de ce prétendu usage qu'on pouvait donc attribuer à la condescendance ou plutôt à l'imprudence de quelque curé (....)